EVRAS et polyhandicap
Témoignages de Martine (nom d'emprunt), maman d'un garçon de 20 ans en situation de polyhandicap, membre d'Inclusion Bruxelles
Martine (nom d’emprunt) est maman d’un jeune homme de 20 ans avec un polyhandicap. Quand est arrivée la puberté, celui-ci a commencé à présenter de nouveaux comportements qu’il a fallu décrypter. Martine témoigne sur sa prise de conscience, ses décisions et les réflexions et motivations qui l’habitent toujours.
Il y a 6 ou 7 ans, en installant mon fils pour la nuit, j’ai réalisé qu’il essayait d’enlever son lange. Bien naïvement, j’ai pensé qu’il l’irritait ou était trop serré, gênant. « Comment faire autrement que de lui laisser ? » me suis-je dis dans un premier temps. « Sans lange, son lit va être trempé chaque matin ».
Et puis, devant sa détermination à essayer, chaque soir, sans succès, d’enlever ce maudit lange, j’ai décidé de ne plus lui en mettre ; ni pour la nuit, ni pour ses siestes. C’était devenu évident, mon fils avait des besoins sexuels et pouvait, ainsi, enfin se caresser.
Depuis, quand je le couche le soir, je le sens détendu. Il sait qu’une fois seul il pourra se détendre et se faire plaisir. C’est tellement normal et sain ! Et si un jour j’oublie de lui enlever, il essaye bien ostensiblement de le faire pour me rappeler à l’ordre!
Le prix à payer, mais il est faible par rapport à son bien-être, ce sont effectivement quelques lessives supplémentaires.
S’il m’a fallu un peu de temps pour prendre conscience de ce besoin si légitime de mon fils, c’est sans doute parce que je ne l’ai pas vu grandir, parce que je n’ai pas réalisé qu’il devenait adulte. Aussi parce que j’ai, sans doute, voulu me protéger de douloureux postulats : le passage à l’âge adulte, où tous les enfants devraient pouvoir prendre leur envol, vivre librement leur vie affective et sexuelle, est particulièrement difficile pour lui …
Comment lui permettre encore plus de bien-être, préserver sa vie intime, respecter sa pudeur?
Se questionner sur ce sujet nous rappelle une fois encore combien nos enfants sont dépendants des autres à tous points de vue. On peut certes écarter le sujet, le balayer de nos pensées mais la réalité est là : les besoins affectifs et sexuels sont des besoins universels. Les ignorer, c’est nier une part de leur être et leur infliger des frustrations parfois terribles.
La sexualité peut être source de bien-être et d’épanouissement mais aussi de frustrations et de souffrances : une autre question qui préoccupe de nombreux parents de personnes polyhandicapées, c’est le risque d’abus sexuels dont peuvent être victimes leurs enfants qui sont, hélas, des proies faciles, ne sachant ni se défendre, ni témoigner.
Alors, pour toutes ces questions, il est primordial de pouvoir parler avec d’autres personnes – professionnels comme parents, de se documenter, d’oser remettre en questions certains clichés selon lesquels les personnes polyhandicapées n’auraient pas ou peu de vie affective et sexuelle, resteraient éternellement de grands enfants, sans pour autant projeter sur eux nos regrets et inquiétudes.
Quoi qu’il arrive, le plus important est d’en parler directement avec nos enfants en situation de handicap et mettre des mots sur cette réalité encore trop taboue.